après plusieurs années passées a aider des entrepreneurs dans les différentes
phases de leur développement, et donc entre autre sur des levées de
fond, je suis maintenant convaincu que le modèle VC est devenu victime
de son propre succès:
– Trop d’argent a gérer et pas assez de
temps: ils se retrouvent a embaucher des gens pour faire le suivi sur
des deals, des gens brillants sans doute mais qui n’ont pas souvent une expérience de ce qu’est l’entrepreneuriat, et qui ont tendance du coup
a se raccrocher a des tableaux de bord et des ratios pour essayer de
comprendre ce qui se passe. Une option plutôt risquée en réalité.

Trop d’argent qui fait que les montants minimum investis sont de plus
en plus élevés: en 2006 aux US l’investissement minimum moyen est passe
de 5.9M$ a 6.2M$, et les VC n’ont investi que dans 700 “jeunes pousses”
pendant que les investisseurs particuliers (angels) investissaient dans
la même année dans plus de 50.000 de ces jeunes pousses. Beaucoup
d’argent, des gros chèques et donc sur des tours qui arrivent plus tard
dans le développement de la société, et sur lesquels les retours ne
peuvent pas facilement être aussi bons. Quelles sont les chances de
multiplier la mise par 10 quand on intervient sur une série C?

Au delà des retours mis en avant par la presse sur un deal ou un autre,
les résultats ne sont plus vraiment la non plus: les VC annoncent la
couleur puisqu’ils reconnaissent que sur 10 deals, 3 sociétés donneront
des retours bons voire excellents, 3 survivront juste, et 4 mourront.
Pire, les statistiques sur les entreprises les plus performantes
confirment que les VC ne sont pas vraiment dans la course: parmi les
Top 500 companies de Inc Magazine (entreprises avec les plus forts taux
de croissance – gazelles), en 2006 seulement 7% de ces entreprises ont reçu un investissement VC ou private equity (investissement de plus de
1M$). Et donc 93% de ces entreprises a forte croissance ne sont jamais passées, ou n’ont pas été retenues, par les VC.
– Les VC eux même sentent le malaise: lever des fonds auprès des institutionnels
devient de plus en plus dur, et le travail a la sortie devient un
travail de comptable qui n’a plus vraiment le gout et l’énergie d’une création d’entreprise (ce qui attirait a mon avis a l’origine les VC,
ceux de la veille école). On se retrouve donc dans un monde de
financiers, avec ces MBA brillants et arrogants qui n’ont plus vraiment
le sens de ce qu’est la création d’entreprise)
Quel avenir dans ce contexte?
Pendant que les VC semblent s’égarer, la communauté des angels se développe et représente une vraie force économique:

Le montant total des investissements d’angels est environ équivalent au
montant total des investissements VC chaque année, mais les fonds
proviennent de 250.000 a 300.000 individus qui investissent des
montants plus petits dans un nombre de deals beaucoup plus grand. Et la
bonne nouvelle est que ca marche: si on reprend les 93% des gazelles répertoriées par Inc Magazine, elles n’ont reçu en moyenne que 75k$
d’investissement initial. Un chiffre qui est tout a fait a la portée
des angels, qui sont donc bien places pour profiter de ces opportunités.
De
plus en plus de groupes d’angels se forment, qui leur permettent d’étaler le risque individuel et de se repartir le travail de due
diligence et de suivi sur les deals. Des fonds se créent, qui
s’adossent a ces groupes d’angels pour en augmenter la capacité
d’investissement quand c’est nécessaire.
– Les angels sont
en général sur les bons coups: je n’ai pas de chiffre la dessus mais
j’ai entendu de la bouche d’un VC que les meilleurs retours qu’il avait
eu étaient sur des deals qui avaient été amenés par des angels plutôt
que par d’autres VC. On voit d’ailleurs certains fonds de VC revenir
vers les jeunes pousses avec des programmes de prêts comme chez
YCombinator ou comme le programme Quickstart de Charles River Venture.
Et
donc pendant que la presse continue a mettre en avant les bons coups
des VC (les belles histoires comme celle de Yahoo, Google ou Skype), le
vrai travail de financement de création d’entreprise est fait ailleurs
par les angels.
Au delà de l’aspect financier, je pense
que la différence vient aussi du fait qu’on parle d’individus qui
souvent contribuent leur expérience et leurs connections, et aident
l’entrepreneur en intervenant de façon plus directe dans l’aventure.
Des gens qui investissent dans des gens, quelque chose qui rappelle un
peu l’esprit Peer-to-Peer sur lequel la communauté Open Source a su si
bien capitaliser, mais applique maintenant a la création d’entreprise.
Ma conviction est que ce mode de fonctionnement représente l’avenir,
qui vivra verra 🙂